Le pinceau de Solange Berger invite au respect de l’étranger

Article paru dans le Courrier Neuchâtelois

Mercredi 25 juin 2014
par Alain Prêtre

Le résultat de la votation du 9 février contre l’immigration de masse n’a fait que renforcer l’urgence et la pertinence d’explorer le thème de l’étranger dans sa peinture.«Lavotationantiminaret m’avait déjà heurté et celle touchant à l’immigration de masse m’a attristé. Solange Berger souffre en outre du
comportement de certains des compatriotes vis-à-vis des gens de couleur. Le regard méprisant ou la moquerie d’une femme portant un voile ne sont pas tolérables. Je ne fais pas de politique mais j’ai décidé d’utiliser mon langage à moi pour décrire et parler de l’étranger positivement». C’est ainsi qu’est né le thème «un voyage…ici».

Assise en tailleur

Armée de son carnet de croquis etd’uncrayondepapier,l’artiste vaudruzienne a constitué patiemment et discrètement sa galerie de portraits. Elle s’est rendue à plusieurs reprises en ville de Neuchâtel. «Je m’appuie contre un mur ou je m’asseye parterre en tailleur. Je n’ai pas voulu peindre depuis une table de café car ce n’est pas assez discret». Mais comment choisir ses sujets, sur quels critères? «Je n’avais pas d’autres possibilités que de croquer des humains à la couleur de peau différent de la nôtre». Comment en effet distinguer un Bosniaque d’un Allemand ou d’un Russe? Ce qui explique que l’artiste s’est concentrée sur le repérage d’Asiatiques, maghrébins et africains. En choisissant le parti de la discrétion elle a pu saisir des attitudes sur le vif dans leur expression la plus naturelle et spontanée possible. Solange Berger n’a pas dessiné le premier étranger qui se présentait devant elle. «Je devais avoir un coup de cœur, il fallait un petit quelque chose qui m’attire». Les scènes touchantes et attendrissantes telles une maman en relation avec son enfant sont fortement représentées à la galerie de la Tour de Diesse. «Il y a beaucoup de femmes dans mes peintures car elles expriment la sensibilité du thème retenu». Solange n’a jamais été intrusive.

Sujets consentants

«Certaines personnes ont compris ce que je faisais. Elles étaient consentantes mais il n’y a jamais eu de dialogue direct».
Une seule exception toutefois. Je croquais un couple de Somaliens de dos au bord du lac. Ils ont deviné ma présence. C’est la seule fois où un échange a eu lieu». L’artiste peintre a toutefois sollicité le concours de RECIF pour être mise en relation avec des femmes africaines qui accepteraient de jouer le jeu. De même le jour du Marché de l’Univers à Neuchâtel elle a croqué des femmes vêtues de leurs habits traditionnels. «Elles m’ont vu travailler sur elles mais n’ont fait semblant de rien et m’ont invité à manger à la fin de la journée». La Vaudruzienne a dû parfois être très réactive pour saisir des scènes très fugaces. «Des gens prenaient le chemin du Château. Je n’ai eu que quelques instants pour esquisser un croquis. Je l’ai achevé en faisant appel à ma mémoire».

Parler à l’âme

La couleur tient une place importante dans les œuvres de Solange. Les teintes pastel leur confèrent beaucoup de sérénité et de paix. «J’ai travaillé ces toiles avec douceur et délicatesse pour parler de ces étrangers. J’ai voulu m’adresser à l’âme plutôt que de faire de longs discours». L’exposition atteint son objectif: elle donne envie d’aller au-delà des tableaux pour entrer en contact avec ces gens. «Ces étrangers sont comme nous. Ils ont une histoire, un vécu. On les catalogue souvent mais ce sont des êtres humains, avec leurs joies et leurs souffrances». Le message de Solange Berger s’adresse non seulement aux adultes mais également aux enfants. Un concours leur est ouvert jusqu’au 4 juillet. Ils doivent regarder attentivement les œuvres de l’exposition pour répondre aux questions s’y rapportant. Les cinq premiers lauréats auront droit à un cours de peinture gratuit dans les ateliers de Solange Berger à Savagnier./APR